Remise des Palmes académiques à Jérôme Scorin
Association Culturelle Juive de Nancy

Dimanche 28 septembre 2008

Intervention d'Audrey Colombat


Voilà quatre ans maintenant que je n’ai pas revu M. Scorin, quatre ans que nous n’avons plus de contact. Pourtant, comme il le sait, je pense très souvent à lui.


Lorsqu’il m’a demandé de dire quelques mots aujourd’hui, j’ai douté. Que pouvais-je bien dire ? Je me suis donc dit que, pour que cela soit plus facile, il était important de dire ce que j’avais sur le cœur. Je me suis également dit qu’aujourd’hui, je suis là pour lui. Le mieux est donc encore de parler de lui. Et lui, justement, M. Scorin, il est dans mon cœur, il fait partie de moi, j’avance avec lui. Nous ne nous sommes vus qu’une seule fois, nous avons correspondu un peu par courrier, pourtant, j’ai l’impression de le connaître tellement bien et d’être si proche de lui.


Mon amie Coralie et moi avons fait sa connaissance en 2004. Nous devions travailler sur un sujet pour le Bac et nous avions choisi celui-ci : les camps de concentration. Il y a tellement de choses à en apprendre, tant historiquement qu’humainement. Cette année-là, j’ai beaucoup appris sur l’être humain, j’ai beaucoup appris de M. Scorin. Malgré l’horreur de ce qu’il a vécu, il est quelqu’un de généreux, de surprenant et d’admirable. C’est un exemple pour tous. Je ne pourrais jamais oublier cette rencontre avec lui. Je m’en souviens dans les moindres détails : son visage à notre descente du bus, son chapeau, le son de sa voix... Et puis arrivés chez lui, il a proposé un jus d’orange et s’est mis à se raconter, avec une grande émotion. C’était dur, mais il a fallu écouter. Nous l’avons fait avec attention, avec la même émotion que lui. Cela a duré deux heures, deux heures pendant lesquelles il nous a prouvé qu’il a su rester proche de la jeunesse. Et pour cette jeunesse, il ressent une si grande confiance…


Et puis il a fallu se quitter, pour ne se revoir qu’aujourd’hui. Mais il nous a marquées à vie, Coralie et moi. Nous en avons beaucoup parlé toutes les deux. Comment l’oublier ?


On me dit sensible et je pense l’être en effet. Je ne croyais pas, à l’époque, du haut de mes 17 ans, pouvoir supporter tout ce que j’allais entendre. Je l’ai fait. Cette sensibilité me sert à aimer les gens, comme j’aime profondément M. Scorin. Mais elle me permet aussi de m’investir à fond dans ce que je crois juste et je pense qu’il en est de même pour Coralie. Ce qui est juste, c’est d’aider M. Scorin à perpétuer la mémoire, le souvenir de sa famille, de ses amis, de ses semblables.


Coralie et moi, nous nous sommes battues pour cela, parce qu’il le faut, parce que nous lui devons, parce que nous leur devons à tous, à tous ces juifs, à tous ces résistants qui ont vécu l’indicible.


Ce que je veux dire à M. Scorin aujourd’hui, c’est que je l’aime, c’est qu’il est en moi, je porte donc l’histoire en moi.